Bienvenue à Bord !
Du Tigre à l’Elbe, du Nil au Danube (en passant par la Loire et la Tamise), Felix accompagna le légionnaire romain, perché sur ses épaules ou lové dans un des nombreux chariots de grain qui suivaient les armées de Rome.
Pourtant notre petit chat domestique africain a très tôt prospéré bien au delà des territoires conquis par les romains.
Les pattes de Felix ont foulé, dès l’antiquité, des terres sur lesquelles le pied du légionnaire ne s’était jamais posé. On retrouve ainsi notre chat domestique en Ecosse, en Norvège, en Inde, en Russie, en Chine, au Japon …
Certes, les races locales présentent aujourd’hui des caractéristiques physiques qui diffèrent du fait de la sélection humaine. Mais génétiquement il s’agit d’une seule et même espèce : « félis sylvetris catus ». Né au pied des pyramides égyptiennes ou des mastabas babyloniens (édifice funéraire égyptien).
Notre chat n’est pas un animal nomade et encore moins un migrateur. Comment alors expliquer sa présence sur l’ensemble de la planète ?
La réponse est simple: Felix est venu par la mer. Non pas qu’il fut un bon nageur, évidemment, mais tout simplement parce que Felix est un grand conquérant. Au IV ème siècle (avant JC), à Palmyre et à Alexandrie, grands carrefours commerciaux, Félix monte évidemment la garde devant les silos à grains, mais aussi dans les entrepôts où s’entassent de l’huile, du vin, de la vaisselle, des étoffes, et même de la soie.
Parmi les hommes, il y des marchands, des caravaniers et aussi des armateurs accompagnés de quelques marins. C’est sans doute l’un d’eux qui, séduit, pose un chat sur son épaule et l’emporte vers un port de la mer rouge. Voici donc Félix inscrit sur le rôle d’équipage, matelot qualifié, chargé d’empêcher les rats de dévorer la provende de l’équipage. Son sens de l’équilibre se joue des mouvements du navire et l’obscurité de la cale est même un atout pour lui quand il s’agit de traquer les rongeurs.
Le voici descendant la mer rouge jusqu’au golfe d’Aden, contournant cette terre que les grecs nommaient « l’Arabie heureuse ». Sur les côtes somaliennes, en escale, Grecs et Phéniciens échangent leurs cargaisons contre celles des marchands indiens. Certains continuent vers le sud à la recherche de l’ivoire africain, d’autres, plus audacieux encore, continuent directement jusqu’à l’embouchure de l’Indus. La route est longue, à travers la mer d’Érythrée (océan indien), même poussés par la mousson.
Mais Felix se sent parfaitement heureux à bord. L’équipage l’adore, et entre deux parties de chasse , il s’offre de longues siestes à l’ombre de la lourde voile carrée. Parfois, c’est le capitaine lui même qui l’invite à sa table, partager les restes d’un poisson fraichement pêché!
Après quelques semaines, voici enfin la terre, c’est celle du grand cousin de Félix : sa majesté le Tigre. Tout est différent ici, mais les hommes se montrent bienveillants et rats et souris abondent sur les quais. Marchands et marins dorment la nuit, mais Felix veille, protecteur nocturne du pain et de la fortune des hommes.
On parle bien des langues différentes sur les quais de Barbarikon (Karachi), mais Felix s’en moque. Il comprend toutes les langues et sait se faire entendre de tous les hommes.
Certains chats vont fonder une famille et s’installer dans les terres. Sans doute à l’époque où le Grand Alexandre arrivait lui même en Inde (356 à 322 avant JC).
Félix, lui, a le goût de l’aventure, et ne repartira pas avec ses amis grecs. Il préfère embarquer sur ces bateaux étranges où un subrécargue aux yeux bridés, lui offre une place d’officier marinier chargé de la surveillance de la cale.
En route vers l’Orient, vers la terre des Sères ! En route, il fait la connaissance du maitre coq qui le charge de la garde de la cambuse et particulièrement des sacs de riz dont ces hommes sont si friands … tous comme les rats. Félix déteste tout autant le riz que le blé (c’est dangereux pour sa santé). Mais rats et souris du bord, trop bien nourris, ont une saveur exquise. Lorsque le navire débarque sa cargaison de vaisselle de verre et d’argent, de pigments et de l’huile, c’est Félix que l’on admire: quartier-maitre protecteur du riz.
Félix parcourt le pays et, honneur suprême, est reçu à la Cour de l’Empereur de la dynastie des Han (220 avant JC). Les concubines lui offrent un coussin de soie moelleux pour ses siestes. Il devient symbole de paix et de fortune à tel point qu’il détrônera bientôt le lapin dans le calendrier zodiacal chinois. Il faudra en revanche attendre l’an 999 pour que Felix arrive au Japon, cadeau de l’Empereur de Chine à son collègue japonais, Ichijo âgé de13 ans. « Maneki-neko », c’est maintenant son nom, celui qui apporte chance et bonheur aux japonais et aux autres…
À suivre…
