Une histoire noble
L’importance du chat dans la culture nippone est fascinante. Pourtant, le peuple japonais est probablement l’un des derniers à avoir côtoyé le chat.
Celui-ci aurait immigré dans l’archipel grâce à la flotte chinoise vers le VIᵉ siècle.
Dans un premier temps, ils avaient trouvé son utilité dans les temples bouddhiques afin de protéger les documents manuscrits des souris et des rats, ce qui explique en partie l’exceptionnelle conservation des archives religieuses japonaises.
Par la suite, le chat devient le compagnon des familles nobles du pays et est offert en guise de cadeau aux empereurs.
Plus tard, au XVIIIᵉ siècle, il est illégal d’en faire commerce ou encore d’enfermer le félin, incarnant la liberté par excellence.
Le pays du chat
Si les chats sont surreprésentés au Japon, il n’empêche que l’égalité de traitement n’est pas forcément de mise.
Malgré le fait que certains chats soient choyés, il n’en est pas moins vrai qu’il y a énormément de chats errants dans les quartiers les plus pauvres des villes. Dans leur livre Neko Land, le couple de photographes Alexandre Bonnefoy et Delphine Vaufrey, dépeignent le portrait de ces chats livrés à eux même, portant souvent les cicatrices d’une vie dure. Malgré le fait que les gens du quartier les nourrissent régulièrement, ils manquent la plupart de temps de soins.
En revanche, certains foyers huppés et urbains sont prêts à débourser plus d’un millier d’euros pour acquérir les races de chats les plus populaires comme le Bobtail Japonais ou encore le Scottish Fold.
Depuis 2018, le chat est devenu l’animal de compagnie le plus adopté devant le chien.
Il existe deux raisons majeures à ce phénomène.
Premièrement, les logements des métropoles nippones sont petits. Le chat apparaît alors comme le partenaire idéal des petits espaces.
En second lieu, les couples préfèrent plutôt l’adoption d’un animal de compagnie à cause du travail souvent prenant, du coût élevé de la vie ainsi que d’un système d’éducation très coûteux, plutôt que de faire des enfants ! Le taux de natalité du Japon est d’ailleurs l’un des plus bas au monde depuis la seconde moitié du XXᵉ siècle au Japon avec 1,4 enfant par femme en 2020. La population considère alors le chat comme un réel membre de la famille et n’hésite pas à dépenser des sommes considérables pour les frais vétérinaire, toilettages et autres accessoires pour félins.
Un animal légendaire
Comme dans bien des cultures, le chat est un animal mystique.
Plusieurs légendes le dotent de pouvoirs surnaturels :
Le maneki neko ou littéralement “chat d’accueil” est susceptible d’apporter la chance, l’argent ou la santé. On le retrouve partout au Japon. Du simple commerce à Kabutocho.
Le maneki neko blanc, le plus courant, apporte la chance. Le doré est symbole de prospérité. Le vert, quant à lui, attire la réussite professionnelle.
Si le maneki neko est un chat débordant d’énergie positive, le bake neko ou “chat monstre” au contraire, est un chat maléfique qui hante les foyers. Il est en effet susceptible d’incendier la maisonnée. Quelques une de ses caractéristiques sont par exemple d’avoir un âge supérieur à 13 ans, une très longue queue ou encore un poids supérieur à 3,5 kg.
Le chat permet de transférer des caractéristiques humaines à l’animal et ainsi dresser un portrait critique de l’Homme. Au travers de la fiction, il est possible d’exprimer des réalités sociales. C’est pourquoi la plupart des mangas comme Totoro, Naruto, ou encore le formidable Royaume des chats comportent tous des félins aux apparences ou comportements humains.
Cette tendance n’est pas nouvelle puisque le peintre Utagawa Kuniyoshi, peint au début du XIXe siècle des humains à la tête de chat pour représenter des scènes de vie humaine.
Comme dans la plupart des aspects de la vie japonaise, il existe un clivage entre la persévérance des coutumes et traditions et le monde moderne et connecté. Si les légendes orales, comme celle du maneki neko se transmettent encore, le succès de la marque japonaise déposée Hello Kitty, par exemple, ne fait plus douter de sa puissance avec ses 5 milliards de dollars de chiffre d’affaires annuel.
Le Japon saura-t-il conserver le riche patrimoine culturel du chat acquit depuis des siècles ?